« Ils ne font jamais qu’une chose qui revient sempiternellement, qui remonte du tréfonds, qui les occupe entièrement. »

Biographie

Une vie dédiée à la matière

La rupture

Attitude radicale

Il y a toujours un moment, où les choses jusqu’alors confusément réunies offrent une définition claire et imposent une attitude radicale.

En 2008, Jean-Louis Ricaud décide de ne plus participer aux expositions de groupe, de salons et autres municipaleries.

Il aura donné, pourtant, ci et là, au genre de la « ressemblance »…
Votre expo paraît avoir quelque chose à voir, avec ce que nous avons vu, lorsque nous nous sommes vus,…

Fini ! les formules à peu près, les compromissions diverses avec le secteur socio-anima-politi-culturo, où l’on passe plus de temps à se taire qu’à montrer, plus de temps en révérences qu’en rencontres, parce que l’art tranquilisateur qui agit dans nos villes et nos campagnes travaille pour un ordre modérateur de passions…

Aussi pour la peinture ? Même la sculpture ?!…Matriarcale, inhibitrice, despotique la consommation ? Soutenue par le plus grand nombre ? Mais oui, mais oui, …

Alors rupture. J.L.R. quitte la classe. Les années se sont écoulées.

Les premières années

Une assimilation difficile

Né en 1960, rue Emile Zola, garda une profonde aversion pour l’auteur, J.L.R. n’a qu’une idée sérieuse : peindre, travailler avec ça, vivre avec ça, cette volonté ne le quittera pas. Absolue.

Les études de construction mécanique ont peut-être déclenché les choix artistiques de J.L.R. ; elles furent d’une assimilation difficile, en deux temps.

Cet univers mécanique et industriel par destination, apparaîtra d’abord dans la peinture et comme un rejet. Il est là, spectral, presque menaçant, il agit fantomatiquement.

Les premiers pas dans la sculpture

La résolution infernale

Refusé au concours d’entrée de l’Ecole des Beaux-Arts de Bordeaux à 17 ans, bien qu’ayant un bon coup de crayon, en attestent ses dessins psychédéliques traités à l’encre de motos et autres personnages fantasques, les premières sculptures émergent dans l’atelier de Camponac à Pessac, auprès du modeleur Adé Baudelot, qui l’initie à la céramique.

Parallèlement, on retrouve le type dehors avec sa marchandise sur le dos, dedans : cette substantifique moelle qui guide son projet. Il peint, déballe ses dessins et peintures. Ainsi il peut vivre, continuer. Prendre la première des résolutions infernales. Ne jamais faire d’autre métier ! Tempérament.

Ce temps de 1977 à 1979 fait une peinture semi-automatique, liée à l’introspection, et l’érotisme y est insidieux, sous-jacent. La sculpture alors est encore expérimentale. Les bouts d’essai restent à l’atelier. Mais elle va prendre sa (dé)mesure rapidement, avec des productions rapprochées. Les premiers résultats apparaîtront en 1980 avec la découverte des « personnages », soit de la crucialité du corps humain. Ses sculptures contiennent en germe, émouvantes le développement de son langage plastique ultérieur comme les pointes acérées et les postures torturées.

L’émergence d’un style

La sculpture-magie

Il va s’agir de retrouver le rêve ancien : de la sculpture-magie, où le matériau docile, répond aux gestes, où le travail du geste, donne la forme immédiate. Rêves de terre et de plâtres.


Le corps présent, la recherche est érotique, l’érotisme devient explicite, figuré, « sus-jacent ». Le corps rencontre les éléments sculpturaux, il est en « situation ». Ainsi vont naître vers 1984 les « Anti-caryatides ». Personnages provoquant (multipliant) les associations de matériaux, la céramique, l’acier, le bois pour les principaux.


Les personnages « ne supportent pas », ils sont suspendus.

A 24 ans, il ouvre sa propre galerie

Indépendance

Au cours de l’année 1984, J.L.R., poussé par un besoin d’indépendance, ouvre au 18 rue Canillhac à Bordeaux centre, une galerie pour ses seules œuvres. Trois années d’existence, marchés, pourparlers ; série d’expos, et l’atelier où les outils ne refroidissent pas.
En 1987, poussé par un besoin d’indépendance, J.L.R. ferme sa galerie.
Délibérément, il délaisse la peinture, les séries de Bleus disparaissent et s’immerge dans la sculpture, comme on navigue au plus profond, il croise des monstres : les matériaux qui jouissent, des jours entiers de travail ininterrompus, la certitude que ça va durer. Expansion, autre période.

En 1990, l’acharnement paie : la production a des relents de volupté. Les sculptures grandissent, grossissent, parlent mieux, montrent tous leurs désirs et cachent leur trouble, qu’on ne saurait voir ; comme « la première androgynie de Zeus » adossée au chaos, toise le voyeur à plus de trois mètres de haut. Carnation.

Un projet important, réalisé en 1990 renoue avec la peinture après trois années de séparation : Golgotha. 4 mois de travail, un polyptyque en 14 tableaux, une série équinoxiale de 40 mètres carrées d’où il ne sortira pas indemne. Grands formats, des vernis, des ors, des couleurs mâchées par la fièvre de peindre « encore ». Mais Golgotha n’était pas à vendre, juste un véhicule de grande marée, quelques voyages plus loin, il retourne au port atelier, mais à l’encre noire des commentateurs. Reconnaissance.

Les débuts de l’enseignement

Redécouverte du plaisir d'enseigner

Une volonté particulière va alimenter son travail à partir de 1996.

Quitter Bordeaux – la ville, pour se déporter dans la Gironde silencieuse, celle de l’Entre Deux Mers. Il occupe pendant un an la citadelle de Rions avec une série de sculptures et des projets d’écoles.

Puis il répond à l’invitation du Manoir des Arts à Sainte Croix du Mont, anime des ateliers, des formations et redécouvre le plaisir de transmettre et d’enseigner.

D’une expérience mystique…

Le Gisant de Saint Guilhem

Dans ce temps-là, J.L.R. « a vu » la prochaine sculpture, elle sera plus grande, plus lourde, plus généreuse, plus bavarde encore que les autres. Elle aura une histoire, c’est à dire une origine et une expérience des grands combats, ce sera un personnage.

Ainsi va sourdre et se répandre au-delà de ses contreforts de granit comme un magma déchirant sa croûte de sommeil, le Gisant de Saint Guilhem. Une pièce époustouflante d’aisance et de passion, au discours féroce et limpide, complétude. Les amis, la presse, le nombre de curieux n’attendront pas sa sortie à l’air public, iront voir l’objet à l’atelier.

Ce que ne savait pas J.L.R. c’est qu’il allait en réaliser une autre, puis une autre, profonde, tout autant élevées, souveraines plus encore : l’Ange et le Vivant et imposer cette pensée du Sacré qui ne savait, jusqu’alors que montrer ses secrets.

En 1998, en pleine effervescence, en pleine conférence, en pleine solitude. Puis un nouveau tournant, évacue l’acier et ses angoisses premières offrant une place nouvelle à la terre. Libération.

A la demande de l’Ecole d’Art Appliqué de la Gironde, il enseigne pendant 10 ans la sculpture et l’art fondamental.

De l’art fondamental à l’art-thérapie

CREATECA

Ses années d’enseignement de la sculpture l’amènent à cofonder avec Caroline Goinaud, historienne de l’art et art-thérapeute, en 2004, CREATECA, Centre de Recherche et d’Etudes en Art-Thérapie, Expression et Communication Artistiques, dans lequel il enseigne encore aujourd’hui l’art fondamental et y exerce l’art-thérapie analytique. Accomplissement intellectuel.

De la littérature

Écriture libre et secrète

Deux ouvrages ont été publiés sur ses travaux ainsi qu’un film, La Genèse du Vivant retraçant les étapes de la création du Christ Ressuscité.

Parallèlement, son intérêt pour la poésie et la littérature de la fin du 19ème siècle, le pousse à écrire librement et de façon secrète.

En 2009, Il publie l’Ostie Vénéneuse, recueil de poésies « transgéniques », édition Rafaël de Surtis, puis l’Homme sans peau et le chien bicéphale en 2017 aux éditions Eleusis, autobiographie métaphorique qui sonne comme un constat tragique d’une existence monomaniaque dédiée à l’art, ainsi que d’autres participations dans des ouvrages collectifs.

Les motos

Sculptures roulantes

Il n’en reste pas moins que LA passion de J.L.R. et son goût pour les contre-cultures, n’est autre que la moto et la conception-fabrication de motos-sculptures roulantes, souvent classées hors catégories dans les diverses publications spécialisées et autres salons customs.

Le Musée

Une grande œuvre...

L’idée d’un musée personnel flottait dans l’esprit de JLR depuis plusieurs années.Par définition, un musée d’art est un établissement dans lequel sont rassemblées et classées des collections d’objets d’intérêt artistique en vue de leur conservation et leur présentation au public. Ni plus, ni moins.

Si JLR a travaillé 47 ans à son œuvre, s’il a vécu à travers elle, pour elle, survécu par moments grâce à elle, souffrant bien souvent pour la faire naitre et aboutir, ce n’est pas pour la laisser dans une remise, sombre refuge des araignées sordides mais pour célébrer une offrande juste.

Les cœurs/poumons des sculptures d’argile et de fer de JLR souffraient en pièces détachées jusqu’à présent.

À chaque voyage d’exposition, une dizaine d’entre elles retrouvaient forme et unité, invitées d’honneur d’un soir, d’un salon, d’un festival, d’une rencontre puis retombaient aux oubliettes rue de Vigny.

Et puis elles étaient devenues trop bruyantes, trop encombrantes et trop nombreuses dans l’atelier aux regards clos…

Pour JLR, seul l’acte d’enfanter suffisait. A partir de 2012, exposer et vendre lui semble obsolète, car en germe, se préparait l’idée de rassembler ses œuvres dans un seul lieu pour n’en faire qu’une grande œuvre.


Ce n’est que justice qu’elles aient trouvé un bel écrin façonné par leur démiurge lui-même, aboutissant ainsi la démarche de toute une vie consacrée.

Demain est un jour de prophète et n’appartient à personne, demain des énergies du sculpteur : flux idiomatiques, bouillant de magie, d’où cet art témoin de la découverte des mondes doit apparaître. L’ambition de J.L.R. est de continuer à se lever tôt.

D’après un entretien avec Lorenzo L.


Ce parcours est jalonné de commandes et expositions diverses.